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Les mesures miroirs : un sujet central de la Présidence Française du conseil de l'UE

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La France préside le Conseil de l’Union européenne de janvier à juin 2022. La présidence du Conseil est l’occasion pour un pays de donner une impulsion politique à certains travaux législatifs. La France souhaite promouvoir certains projets sur le plan agricole. Le plus médiatisé concerne les mesures miroirs, des mesures de réciprocité des normes qui seraient imposées aux produits agricoles importés dans l’UE.

Pourquoi mettre en place des mesures de réciprocité ?

L’UE a les normes environnementales et sanitaires les plus élevées au monde. Le principe de précaution, cher aux Européens et consacré à l’article 191 du Traité sur le Fonctionnement de l’UE, permet de limiter les risques environnementaux et sanitaires en évitant la mise sur le marché européen de produits pour lesquels il existe un doute quant à leurs répercussions sur l’environnement ou la santé humaine.

Les agriculteurs européens sont donc soumis à certaines règles que les agriculteurs hors-UE ne sont pas contraints de respecter. Cela crée des distorsions de concurrence au détriment de l’agriculture européenne.

Ces distorsions de concurrence sont d’autant plus prégnantes que l’UE négocie des accords de libre-échange facilitant l’entrée sur le marché européen de produits dont le processus de production n’est pas conforme aux règles en vigueur dans l’UE. De plus, le Green Deal, et sa déclinaison agricole notamment via la Stratégie Farm to Fork, renforce les exigences environnementales appliquées à l’agriculture européenne.

Les mesures miroirs, qui permettraient d’imposer les mêmes standards de production aux produits importés, seraient un moyen de rééquilibrer les distorsions de concurrence.


Sur quels produits seraient mises en place ces mesures miroirs ?

Durant sa présidence du Conseil, la France défend particulièrement trois types de mesures miroirs :

  • L’interdiction des importations de produits d’origine animale pour lesquels il a été fait usage d’antimicrobiens promoteurs de croissance.

Cette mesure devrait déjà être appliquée puisqu’elle est inscrite dans l’article 118 du règlement relatif aux médicaments vétérinaires entré en vigueur le 28 janvier 2022. Toutefois, l’acte délégué pour la mise en place concrète de cet article 118 est encore en cours d’élaboration par la Commission.

  • La suppression des tolérances à l’importation de produits contenant des résidus de pesticides interdits dans l’UE.

Lors des négociations sur l’Organisation Commune des Marchés, les Ministres de l’agriculture européens ont majoritairement rejeté une proposition d’amendement du Député Eric Andrieu qui portait sur ce type de mesure miroir. La France souhaite faire passer ce projet durant sa présidence du Conseil.

  • La lutte contre la déforestation importée.

La Commission européenne a élaboré une proposition législative à ce sujet qui a été publiée le 17 novembre 2021. Elle porte sur les produits contribuant fortement à la déforestation : le cacao, le bois, le bétail, le soja, l’huile de palme et le café. La proposition porte aussi bien sur les produits exportés depuis l’UE que sur les produits importés dans l’UE.

Empiriquement, ce seront surtout les produits importés qui seront soumis à cette législation car ce type de production est limité dans l’UE et la déforestation y est moindre qu’ailleurs. Toutefois, le fait d’appliquer la législation aussi bien aux importations qu’aux exportations européennes est un moyen d’éviter un litige devant l’OMC.

 

Quelles sont les limites de ces mesures de réciprocité ?

  • Justifier les mesures miroirs par un rééquilibrage des distorsions de concurrence ne fonctionne pas au regard des règles de l’OMC. Il faudra que l’argumentation repose sur un fondement scientifique (relatif à l’environnement ou la santé humaine).
  • Les 27 Etats devront s’accorder et réfléchir à ce qu’il adviendra des accords de libre-échange déjà en vigueur, en cours de ratification ou de négociation. 
  • Si les mesures miroirs entrent en vigueur, l’UE devra rester sur ses gardes car qui dit réciprocité des normes, dit risque de mesures de rétorsion, de litiges avec l’OMC, de rupture des relations diplomatiques et/ou commerciales, et de concessions.
  • L’efficacité des mesures dépendra des contrôles.
  • Il faudra que la politique européenne soit plus cohérente :
    • arrêter de produire en Europe des produits phytosanitaires destinés à l’exportation mais interdits dans l’UE ;
    • n’exporter que des produits respectueux de l’environnement et de la santé humaine. Ainsi, les exportations vers l’Afrique de l’Ouest de poudre de lait écrémée contenant de l’huile de palme devront s’arrêter. Ce marché sera sûrement convoité par d’autres pays non-européens qui fabriqueront, à la place de l’UE, de la poudre de lait écrémée bon marché afin de combler ce débouché.
  • Une règlementation sur la lutte contre la déforestation importée impliquera le développement d’une stratégie protéique. Augmenter la production de soja nécessite de convertir des terres jusque-là utilisées à d’autres fins (céréales par exemple). La compétitivité de certaines productions pourrait peut-être en pâtir.
  • On peut craindre une augmentation des coûts de production dans l’agriculture et l’agroalimentaire, si le prix des matières premières utilisées (huile de palme, soja, cacao) augmente à la faveur d’une règlementation stricte sur la déforestation importée.

 

Retrouvez notre récente Analyses & Perspectives sur l'impact des clauses miroirs sur la compétitivité de l'agriculture Française

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