En prévision des élections présidentielles françaises, les organisations membres du Conseil de l’Agriculture Française (CAF) portent auprès des candidats leurs propositions visant à stimuler le haut potentiel d’un secteur d’activité désormais reconnu comme essentiel et stratégique.
En effet, alors que la France subit encore les soubresauts d’une crise sanitaire qui a débuté il y a bientôt deux ans, l’agriculture française, toutes filières agricoles confondues, montre chaque jour sa robustesse, sa résilience et ses apports indéniables à la société française :
- Tout d’abord dans sa fonction nourricière première. A la faveur du premier confinement, les Français ont redécouvert leur agriculture, les hommes et les femmes qui exercent ses métiers et leurs productions. S’ils n’ont eu à déplorer ni pénurie, ni moindre diversité pour leur alimentation, c’est parce que l’agriculture a su, de longue date, adapter ses modèles, en étant à l’écoute des évolutions de ses métiers, des nouvelles pratiques et formes de production, mais aussi des attentes des consommateurs et des mouvements de la société. Les agriculteurs sortent de cette période avec une image plus positive, mais aussi dans une dynamique leur permettant de répondre à de nouvelles sollicitations. En effet, les Français ont de nouvelles exigences en matière d’alimentation, ils demandent plus de proximité, plus de transparence, plus de solidarité et plus de performances durables. Par leurs attentes, ils ont remis la souveraineté alimentaire en tête des préoccupations de notre pays et l’agriculture française entend les satisfaire.
- Ensuite, dans son rôle structurant des territoires et de leur vitalité économique. Les Français ont réinvesti les territoires ruraux à l’occasion des périodes de confinement et certains ont même transformé l’essai de manière plus durable, accompagnés en cela par des opportunités de travail à distance. Ce regain d’attrait pour la ruralité engendre de nouvelles tendances et de nouveaux besoins qui vont profondément modifier les équilibres territoriaux. L’agriculture, par son ancrage territorial historique, se présente comme une opportunité majeure de développement économique de ces territoires, bien au-delà d’une simple fonction touristique ou récréative.
- Enfin, face aux enjeux environnementaux, de biodiversité et de lutte contre le changement climatique. Dans la course contre la montre engagée avec le climat, l’agriculture est source de solutions. L’adaptation de ses propres pratiques concourt à maintenir la production d’une alimentation sûre, saine et durable pour tous et à la préservation des ressources naturelles et de la biodiversité. Elle a, en outre, l’avantage d’offrir à des secteurs d’activité plus émetteurs des opportunités de compensation et de participer à la transition énergétique par la production d’énergies renouvelables. Loin d’être seulement cause ou victime, l’agriculture est aujourd’hui un acteur engagé et actif dans la lutte contre le changement climatique.
Dans son rapport sur l’agriculture, le Haut-Commissariat au Plan en a fait lui-même le constat : l’agriculture française a toujours su relever les défis qui lui ont été assignés et les deux années exceptionnelles que nous venons de vivre en sont une preuve supplémentaire. L’agriculture française est une activité économique à haut potentiel qui entend tenir sa place dans l’ensemble des défis économiques et sociétaux de demain.
Pour autant, malgré les efforts déployés, les difficultés de l’agriculture française, certaines structurelles, auxquelles viennent s’ajouter d’autres plus conjoncturelles, n’ont pas disparu : difficulté à construire des prix rémunérateurs, exposition croissante à des aléas climatiques, sanitaires, naturels et économiques de plus en plus fréquents, accès à l’eau insuffisant, poids des investissements et dépenses de fonctionnement, durcissement des conditions de recrutement, dynamique d’installations trop faible pour faire face à la vague prochaine de départs à la retraite, renouvellement des générations pénalisé par un manque d’attractivité et un accès au foncier difficile, etc.
S’ajoutant aux efforts d’adaptation et d’ouverture portés au quotidien par les agriculteurs, les réponses, notamment législatives, sont réelles et constituent des progrès importants. Mais elles ne suffisent pas à lever l’ensemble des contraintes et freins qui brident le développement de l’agriculture française.
Sans une action forte et déterminée des pouvoirs publics pour accompagner les agriculteurs dans leur démarche pour satisfaire les nouvelles attentes exprimées par la société (traçabilité de l’alimentation, diversité des choix alimentaires, impacts sur l’eau, l’air, le sol et la biodiversité, bien-être animal, réappropriation économique des territoires ruraux, vivre ensemble, etc.), l’agriculture risque fort de perdre sa dynamique.
Dans ce contexte de profondes mutations, dans un environnement économique et sociétal sous haute tension, il est urgent de donner à l’agriculture française les moyens de réaliser pleinement ses performances au service de nos concitoyens et de nos territoires.
Pour les organisations du CAF, cela passe nécessairement par des mesures visant à accompagner, développer et à stimuler les atouts de l’agriculture :
- Mieux produire. La diversité de l’agriculture française est un modèle envié dans le monde entier. C’est elle qui permet de produire en quantité, en qualité, pour tous les budgets et qui répond à tous les choix alimentaires. Cette diversité est aussi la condition essentielle de reconquête de la souveraineté alimentaire. Valoriser l’acte de production en France, en mobilisant tous les outils (normes technique dont étiquetage, sociales, fiscales, environnementales…), ne pas sur-contraindre les agriculteurs avec des réglementations nationales sans étude d’impact ni de faisabilité technico-économique, traquer les pratiques de concurrence déloyale (en particulier en vis-à-vis des produits importés qui ne répondent pas aux mêmes exigences sanitaires et environnementales), éduquer et informer le consommateurs sur les pratiques agricoles, l’origine des produits et le juste prix de l’alimentation sont les prérogatives d’un Gouvernement qui a, dans ses priorités, une alimentation saine et durable pour tous les citoyens français.
- Mieux promouvoir les métiers, mieux installer, mieux former, mieux accompagner tout au long de la carrière, mieux transmettre.
Face au défi majeur du renouvellement des générations en agriculture, l’attractivité des métiers de l’agricutlure doit être assurée par des mesures adaptées, afin notamment qu’ils soient clairement identifiés très tôt dans les parcours d’orientation. Aussi, il faut lever les contraintes qui pèsent sur l’installation de nouveaux agriculteurs, qu’ils soient issus ou non du milieu agricole, en particulier en facilitant l’accès au foncier, notamment par le portage foncier. Il faut aussi accompagner chacun, par une formation initiale rénovée ainsi qu’une formation continue tout au long de leur carrière pour toujours mieux s’adapter. Il faut enfin permettre aux agriculteurs de dégager de la valeur en assurant un revenu à la hauteur de leur engagement professionnel. La retraite doit aussi être décente pour tous les actifs de l’agriculture, et un accompagnement doit être effectué pour que fins de carrière soient synonymes de transmissions d’exploitations réussies.
- Mieux valoriser les expertises et services environnementaux rendus par l’agriculture.
L’agriculture est désormais reconnue comme un acteur majeur de lutte contre le changement climatique. Les agriculteurs rendent de nombreux services environnementaux qui compensent les émissions des secteurs d’activité plus polluants, comme la captation du carbone pour la réduction des GES ou qui favorisent la biodiversité et les habitats favorables aux insectes pollinisateurs par la plantation de haies, des jachères méllifères, des rotations allongées. L’agriculture française est aussi un acteur de l’économie circulaire et de la transition énergétique en fournissant des sources d’énergies renouvelables via la méthanisation, l’agrivoltaïsme ou l’éolien.
L’agriculture est déjà engagée dans la transition, il faut cependant agir sur trois leviers pour en garantir la réussite : assurer aux agriculteurs les moyens financiers, agronomiques et assurantiels pour poursuivre leurs investissements, rémunérer les agriculteurs pour leurs actions en faveur de l’environnement et lever les verrous de l’innovation pour accélérer et généraliser la transformation.
- Mieux interagir avec l’ensemble des activités économiques au service du développement des territoires.
Les territoires ruraux prennent toute leur part dans les transitions en cours et sont à la fois une réponse aux attentes sociétales et un gage de relance économique. Pour cela, il faut mettre au coeur des priorités l’activité économique des zones rurales et le vivre ensemble qui en découle : les politiques publiques doivent impérativement s’adapter aux spécificités de ces territoires en termes d’emploi, d’accès aux services publiques et privés et au numérique. Enfin, l’Etat doit favoriser, accompagner et sécuriser les approches et les projets de territoriaux, portés par les acteurs locaux (ex : PAT ou PTGE). Le vivre ensemble doit aussi faire partie des ambitions des territoires : c’est un champ à co-construire, dans le dialogue et le respect de chacun.
- Mieux produire en Europe. Il faut réaffirmer les fondements de la PAC en matière de souveraineté alimentaire durable et préserver les capacités de production de l’agriculture européenne, en l’accompagnant d’une politique commerciale intra et extra européenne juste et équitable. L’Union Européenne doit retrouver la voie d’une politique agricole et alimentaire forte. Plus que jamais, le marché commun doit, 64 ans après la signature du Traité de Rome, devenir un réel marché unique au sein duquel les agriculteurs de chaque pays produisent et vendent selon les mêmes règles. D’autant plus si celle-ci sont parmi les plus drastiques au monde !
L’agriculture française attend des réponses et des solutions qui prennent en compte tout son potentiel, sans l’entraver ou l’amoindrir, sans le sacrifier à des idéologies ou des pensées simplistes sur le mode « y a qu’à, faut qu’on » qui polluent depuis plusieurs années le débat public et sclérosent le courage politique.
Nous sommes la cheville ouvrière d’une économie, d’une société et de territoires qui se reconfigurent, résolument tournés vers l’avenir. Mesdames et Messieurs les candidats, soyez à la hauteur des ambitions de l’agriculture française !
Les organisations membre de Conseil de l’Agriculture Française